Pasteurs en voie de disparition

Comme pasteur, j’ai l’impression de faire partie d’une espèce en voie de disparition. Ceci me rend triste mais ne me semble pas trop grave pour moi : la mort fait partie de la vie. C’est bien plus grave pour l’Eglise qui se voit peu à peu privée d’un service essentiel – l’annonce de la Parole – central pour pouvoir exercer sa mission. La disparition progressive du ministère pastoral est due à plusieurs causes. On cite souvent le manque de reconnaissance par l’Eglise de notre formation théologique et le contexte socio-culturel difficile dans lequel s’effectue le travail des ministres. On accorde moins d’attention à la perte d’intérêt des pasteurs eux-mêmes, femmes et hommes, pour le coeur de leur métier. Celle-ci apparaît dans leur désintérêt pour la formation continue en matière biblique. Un exemple : en novembre 2015, peu après la parution du 2e tome de son commentaire sur les Actes des apôtres (un événement mondial !), Daniel Marguerat a animé trois rencontres sur le livre des Actes à Crêt-Bérard. Sur les 25 personnes présentes, j’étais le seul et unique pasteur en activité ! Les autres participants : quelques collègues retraités et surtout des laïcs. Quand je rencontrais des collègues en activité et que je leur disait mon étonnement par rapport à leur absence, la réponse tombait, toujours la même :  » pas le temps ! pas le temps !  » Manifestement, le dieu chronos s’était imposé … Même chose pour plusieurs rencontres ces toutes dernières années (notamment aux Terreaux) avec une partie biblique d’un intérêt exceptionnel, animées pas François Vouga ou Daniel Marguerat. A Crêt- Bérard, Alain Monnard m’a dit qu’il ne voit presque jamais de pasteurs dans les rencontres bibliques.

L’annonce de la Parole de Dieu, dont la mise en oeuvre implique bien sûr plusieurs disciplines, devrait occuper une place centrale dans le ministère pastoral. Aujourd’hui, cette place a été reléguée au second plan. Michel Kocher, qui connaît la Suisse romande mieux que personne, nous a dit, lors de ses adieux aux Terreaux qu’il a vu un très grand nombre de lieux, dans nos Eglises réformées, où les canapés et le style des chant reçoivent beaucoup d’attention alors que la prédication se limite trop souvent à une simple paraphrase d’un récit biblique. On en arrive alors à une situation où le sel a en grande partie perdu sa saveur.

Il y aurait bien d’autres choses à dire, notamment sur le ministère diaconal, mais je m’arrête ici, pour ne pas devenir trop long.
J’en ai dit davantage dans mon livre  » Dis, pourquoi tu travailles ? » (pp. 67-77).

Ecrit le 1er mai 2024